View the Project on GitHub Marcussacapuces91/Le-guide-du-brasseur
L’eau que l’on emploie dans la préparation de la bière, tant celle qui sert pour opérer le mouillage du grain que celle que l’on emploie au traitement du malt, à son empâtage, exerce une influence notable sur la qualité de la bière. De cette eau dépendent beaucoup de propriétés spéciales, et l’eau peut certainement revendiquer sa part comme cause des différences sans nombre qui existent entre les différentes sortes de bières.
Indiquer dans chaque cas particulier ce qui est relatif à l’eau est presque impossible ; mais on peut très bien montrer en général comment quelques-unes des parties constituantes de l’eau doivent exercer de l’influence sur la qualité de la bière.
Le chlorure de sodium que l’on rencontre dans presque toutes les eaux qui ont été en contact avec la surface de la terre, et le chlorure de potassium que l’on trouve dans un grand nombre d’eaux, peuvent, avec le sulfate de soude, le sulfate de potasse et le sulfate de magnésie, être rangés parmi les substances qui exerçent le moins d’influence sur la qualité de la bière : les nitrates de potasse, de soude ou de magnésie ne paraissent pas exercer sur cette boisson une action plus sensible que les sels précédents. Les carbonates de potasse ou de soude et les silicates de potasse ou de soude, ainsi que les sels organiques (crénates ou apocrénates) de potasse ou de soude, qui existent dans l’eau, ne paraissent pas au contraire être sans influence dans la préparation de la bière. L’acide silicique, aussi bien que l’acide carbonique, peuvent facilement être séparés des bases avec lesquelles ils sont combinés. Celles-ci se combinent, dans le brassage, avec l’acide lactique et, dans la fermentation, avec l’acide phosphorique devenu libre, en sorte qu’il reste dans la bière, après sa fabrication, une quantité de phosphate de potasse ou de soude qui correspond à la quantité de potasse ou de soude qui existait originairement dans l’eau à l’état de silicates, de carbonates ou de combinaisons avec des acides organiques.
La présence dans l’eau d’une quantité considérable de ces combinaisons salines est avantageuse pour la préparation de la bière, en ce que la bière en devient meilleure : la présence des phosphates dans la bière est certes très utile. — Les carbonates de chaux et de magnésie et le gypse que l’on rencontre dans un grand nombre d’eaux exercent une influence contraire à celle des combinaisons salines dont il vient d’être question. Les bases des deux premiers sels ont, ainsi que le dernier, la propriété de s’opposer à l’action des substances albumineuses, de se combiner avec elles et de les rendre insolubles ou d’empêcher leur dissolution. Dans le mouillage des grains, ces combinaisons salines sont nuisibles en ce qu’elles s’opposent au ramollissement du grain. C’est un fait bien connu que, lorsqu’on fait cuire des pois ou des haricots dans une eau dure, c’est-à-dire contenant de la chaux, ils ne se ramollissent pas. Les sels indiqués exercent aussi une action contraire à la production du ferment, et par conséquent à la fermentation. — Si l’on ajoute à cela que la chaux contenue dans l’eau peut enlever une partie de l’acide phosphorique de la liqueur et former du phosphate de chaux insoluble, et que la magnésie est précipitée, avec l’acide phosphorique et l’ammoniaque qui a pris naissance pendant la fermentation1 à l’état de phosphate ammoniaco-magnésien, il paraît en ressortir incontestablement qu’une eau dure ne peut jamais donner une bière très forte.
Pour le maltage, il paraît donc préférable d’employer une eau douce : mais, pour l’empâtage, une eau calcaire ne paraît pas être nuisible, ainsi que l’expérience l’a fait voir2. La chaux contenue dans l’eau transforme bien le phosphate de potasse ou de soude en phosphate de chaux : mais il se produit une quantité d’acide lactique, et finalement d’acide acétique suffisante pour redissoudre le précipité de phosphate de chaux, de telle sorte que l’acide phosphorique si utile dans la bière n’est pas précipité de la dissolution pendant le brassage, lorsqu’on emploie une eau dure.
La bière appelée Burton-ale, qui est si connue, est préparée avec de l’eau de puits contenant une quantité considérable de carbonate de chaux : aussi, en Angleterre, quelques brasseurs qui n’ont pas de l’eau dure à leur disposition, ajoutent-ils exprès à de l’eau douce du carbonate et du sulfate de chaux afin que ces sels s’y dissolvent et fournissent ainsi une eau, qui, dans leur opinion, est la meilleure pour donner à la bière un bon goût.
Il est positif que certains acides qui exercent une influence fâcheuse sur le goût de la bière, peuvent prendre naissance pendant sa préparation. Si le carbonate de chaux que contient l’eau, en saturant ces acides, les fait passer à l’état salin et annihile leur action fâcheuse, on conçoit que cela peut exercer une influence favorable dans la préparation de la bière. On peut donc donner des raisons à l’appui de l’utilité du carbonate de chaux dans l’eau que l’on veut employer à la préparation de la bière ; mais cela ne serait pas facile pour le sulfate de chaux.
On n’est pas toujours satisfait d’une bière qui contient une quantité aussi grande que possible des parties constituantes qui y existent ordinairement.
Le goût du consommateur demande souvent une bière qui ait telle ou telle propriété déterminée, en sorte que, dans quelques cas, ce qui devrait être rejeté au point de vue de l’utilité, doit être recherché pour satisfaire au goût du consommateur.
On ne peut donc recommander exclusivement aucune espèce d’eau en particulier comme devant être employée de préférence pour la préparation d’une très bonne bière. Si l’on veut qu’il passe dans la bière une quantité aussi grande que possible des parties constituantes nutritives du grain, on doit employer de préférence la plus pure des eaux ordinaires, l’eau de pluie. L’eau de canal, qui, en Hollande, tient en dissolution environ 1/5000 de sels, ne peut pas exercer, par les sels qu’elle contient, une grande influence sur la qualité de la bière. Mais l’eau de source, qui contient 5,6, 7 fois plus de sels que l’eau de canal, exerce en effet une certaine influence sur la préparation de la bière.
Il n’est pas besoin d’observer que l’eau ne doit pas tenir de matière en suspension ou contenir d’autres matières étrangères et que l’eau la plus claire est celle qui doit être préférée pour la préparation de la bière.
Il doit paraître également inutile de remarquer que l’eau destinée à la préparation de la bière ne doit pas contenir d’excréments humains et cependant nous avons bien quelque raison pour faire ici cette observation. En Hollande, on laisse dans plusieurs localités les citernes dans lesquelles sont rassemblés ces excréments, s’écouler dans les canaux de la ville et on se sert quelquefois de cette eau pour la préparation de la bière. On ne peut pas fabriquer de la bière plus dégoûtante et cependant elle se vend bien.
Chaque bière présente sa saveur spéciale. — Mais lorsqu’on voit le soin excessif que l’on prend pour avoir une bonne eau dans les brasseries qui fabriquent de la bonne bière, on doit, en ne s’occupant même pas du dégoûtant emploi d’une eau chargée de principes excrémentitiels humains, s’étonner que l’on emploie encore dans quelques endroits l’eau sale des canaux des villes.
Cela arrive du reste rarement dans la Hollande en général si propre.